Google siphonne 0,01% de l'électricité mondiale. Quelque chose cloche ?
Rédigé par antistress le 03 août 2011 - 7 commentaires0,01% de l'électricité mondiale est siphonnée par les serveurs de Google.
Arrêtons-nous un instant pour digérer ce chiffre ahurissant : une entreprise consomme à elle seule, pour les besoins de son activité, un dix-millièmes de l'électricité mondiale (d'après cette récente étude portant sur l'évolution de l'électricité consommée par les centres de traitement des données).
Google est un exemple emblématique, mais on devine que d'autres entreprises du secteur comme Amazon, Apple, Microsoft et Facebook sont également fortement consommatrices.
Cette colossale concentration de l'énergie consommée n'est malheureusement que la traduction de la non-moins colossale concentration de l'activité du secteur et du pouvoir accumulé à l'excès par quelques entreprises devenues omniprésentes.
Peut-il vraiment ressortir quelque chose de bon de tels déséquilibres ?
Cette question, Benjamin Bayart, spécialiste d'Internet (un de mes deux maîtres à penser, l'autre étant Richard Stallman – d'ailleurs je vous suggère vivement de regarder leurs vidéos si ce n'est pas déjà fait : tous deux s'expriment avec une merveilleuse limpidité), nous invite encore une fois à nous la poser dans cette récente interview s'agissant du réseau des réseaux, mais pas que. Le propos s'étend à d'autres domaines, tout étant finalement lié.
Cet extrait me parait ainsi tout à fait d'actualité (mais l'interview dans son ensemble est à lire) :Une illustration très parlante : les écolos sont en train de se saisir de cette idée de réseau acentré, et tout ce qu’ils construisent autour de la notion de développement durable ressemble énormément à Internet. Exemple : les travaux se penchant sur la meilleure façon de gérer l’électricité dégagent deux gros modèles. Soit on a recours à d’énormes centres, qui diffusent des puissances électriques monumentales sur des réseaux gigantesques et où on utilise à peu près 30 % de l’énergie pour chauffer le réseau (c’est-à-dire qu’on la perd en ligne). Soit on est sur des modèles totalement acentrés, où chacun produit un petit peu d’électricité servant à se chauffer (si nécessaire), ou à chauffer les voisins (si superflu). Les écolos se rendent compte, aujourd’hui, que ce second modèle est beaucoup plus efficace.
Ce modèle ressemble d’ailleurs beaucoup à d’antiques modèles de société, qui sont des sociétés beaucoup plus résilientes. Au XVIe siècle, la peste avait besoin d’un bon bout de temps pour aller d’une partie du pays à l’autre ; aujourd’hui, elle ne mettrait pas quinze jours... La résilience de ces réseaux, on la connait donc depuis très longtemps. Le grand intérêt des systèmes ultra-centralisés qu’on a commencé à construire au Moyen-Âge était de gagner en communication, en vitesse, de permettre à la civilisation de progresser beaucoup plus vite. Mais quand on arrive à l’extrême de ces modèles-là, on débouche sur le monde de la fin du XXe siècle. Soit des sociétés folles, qui sont devenues très fragiles – presque rien suffit à les faire vaciller. Des systèmes dangereux – à l’image des centrales nucléaires. Le problème est là.
Il en va de même en ce qui concerne les serveurs. Si vous avez chez vous un petit bout de serveur qui correspond parfaitement à la puissance dont vous avez besoin (soit moins de puissance qu’un iPhone pour la majorité des gens, c’est-à-dire une quantité d’énergie très limitée) : parfait. Pas besoin d’alimenter des bandes passantes énormes vers des serveurs qui sont à l’autre bout de la planète, stockés par centaines de milliers dans un data-center de 30 000 mètres carrés qu’il faut refroidir en permanence – pour peu que ce soit dans les déserts de Californie, il faut les climatiser.... L’efficacité énergétique est bien meilleure quand le réseau est décentralisé, il est même possible de l’alimenter avec un petit peu de photovoltaïque. Essayez un petit peu d’alimenter un data-center avec du photovoltaïque, on va doucement rigoler... Pour résumer : tel qu’il existe aujourd’hui, le coût énergétique du réseau est négligeable par rapport aux gains qu’il permet ; mais il est très important par rapport à ce qu’il pourrait être. Par contre, le coût énergétique des machines de Google – qui ne participe pas du réseau, mais des services – est tout simplement énorme. Vous saviez que Google, qui doit faire tourner peu ou prou dix millions de machines, était le deuxième ou troisième plus gros fabricant d’ordinateur au monde ? Juste pour ses propres besoins... C’est du délire.
Je ne sais pas pour vous, mais moi, les monstres que nous contribuons à créer me font de plus en plus peur...