À la recherche d'intensité

Rédigé par antistress le 06 décembre 2020 (mis à jour le 08 février 2021) - Aucun commentaire

Lumière intense au milieu du paysage urbain

Ma fonction de CPE me place en spectateur quotidien de nombreux adolescent·e·s (potentiellement plusieurs centaines) et je dois bien avouer qu'il y a assez souvent quelque chose de passionnant – et parfois de merveilleux – à les voir évoluer au sein de leur groupe de pairs, mais aussi à interagir avec elles et eux (pris en groupe comme individuellement).

Que l'on regarde la médecine (le débordement hormonal de l'adolescence et son exacerbation pulsionnelle, mais aussi la plasticité cérébrale très forte à cette étape – dite de « maturation » – du développement du cerveau, ou encore le décalage de développement entre le système limbique – les émotions – et le cortex préfrontal – la raison [1]), la psychologie (l'adolescence comme processus d'autonomisation) ou encore la sociologie (v. les travaux d'Anne Barrère dans « L'éducation buissonnière - Quand les adolescents se forment par eux-mêmes » dont un des chapitres décrit les stratégies des ados pour faire l’expérience de l’intensité maximale – lesquels travaux inspirent ce billet [2]), tout concourt à dire que l'intensité caractérise cet âge (et je fais l'hypothèse qu'une bonne part de la nostalgie des plus âgés en découle).

Dans le domaine spécifique de l'amour, deux facteurs complémentaires peuvent expliquer l'intensité des sentiments à l'adolescence selon les psychiatres et psychothérapeutes François Lelord et Christophe André dans « La Force des émotions » : l'estime de soi encore fragile et l'anxiété face au monde. En effet, une faible estime de soi nous amène à parer, par comparaison, l'autre de qualités supérieures dont nous nous sentons dépourvu, et à le trouver d'autant plus désirable. Quant au rôle de l'anxiété comme catalyseur du sentiment amoureux, il s'explique par application de la théorie physiologique des émotions que l'on doit au psychologue William James et qui se résume par nous sommes émus parce que notre corps est ému. L'expérience du pont suspendu de Capilano, menée par les psychologues Donald Dutton et Arthur Aron, l'illustre parfaitement.

La particularité – touchante – de l'adolescence tient, selon moi, à cette alternance de moments de légèreté intense et de moments de gravité tout aussi intense.

Lorsque l'on souhaite caricaturer cet âge, on s'attarde souvent sur les premiers de ces moments. Mais celles et ceux qui accompagnent des adolescent·e·s connaissent la valeur des seconds et mesurent la chance qu'elles/ils ont d'en être les témoins privilégiés.

D'autant plus privilégiés si, comme moi, vous vous trouvez doté d'une hypersensibilité émotionnelle : alors ces moments raisonnent en nous et contribuent à satisfaire notre propre quête d'intensité.


[1] Deux articles sur le fonctionnement du cerveau adolescent : un premier : L'étonnante plasticité du cerveau adolescent (Le cerveau des adolescents n'est pas défectueux. Ce n'est pas non plus un cerveau adulte à moitié fini. Il a été façonné par l'évolution pour fonctionner différemment de celui d'un enfant ou d'un adulte), et un deuxième : Conduites adolescentes et développement cérébral : psychanalyse et neurosciences ;
[2] Présentation des travaux d'Anne Barrère, sociologue, publiés dans « L'éducation buissonnière - Quand les adolescents se forment par eux-mêmes » : entretien, résumé.

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